Cher·e collègue cheminot·e,
Le 14 juin dernier, les parlementaires ont voté à une écrasante majorité le nouveau pacte ferroviaire. La CFDT Cheminots a combattu cette loi sans hésitation. Elle a été la première des organisations syndicales à exprimer publiquement le souhait d’une réplique forte et rapide au discours du Premier ministre, dès le mois de février. Elle a participé activement à la construction et au maintien de l’unité syndicale en contestant dans les médias les arguments fallacieux des détracteurs des cheminots et de la SNCF et en agissant sans concession contre les atteintes au droit de grève par une action en justice dont elle a été à l’initiative, avant d’être rejointe par ses partenaires de l’interfédérale. Mais la CFDT Cheminots a cherché aussi à modifier le projet du gouvernement en faisant de très nombreuses propositions à tous les stades de la procédure parlementaire dans le seul objectif d’infléchir les effets négatifs de cette réforme sur les salariés et sur le service public ferroviaire. Ensemble, nous n’avons pas pu faire reculer le gouvernement sur les fondamentaux de son projet, mais la mobilisation nous a permis d’en atténuer les conséquences.
Cette loi désormais votée définit les conditions d’ouverture à la concurrence
TGV : à partir de décembre 2020.
TER (au rythme souhaité par chaque région) :
- dès décembre 2019 pour les régions qui le souhaitent et après avoir organisé des appels d’offres ;
- avec la possibilité laissée aux Régions de continuer d’attribuer directement des contrats à la SNCF jusqu’en décembre 2023, pour une durée maximale de dix ans ;
- tout contrat attribué ou renouvelé après décembre 2023 devra obligatoirement être mis en concurrence.
Île-de-France : un calendrier spécifique tenant compte de la complexité et de la densité du réseau francilien – entre 2023 et 2033 pour les lignes Transilien.
Cette loi définit également un socle social commun qui concernera tous les cheminots
Elle sera complétée par des dispositions issues de la convention collective actuellement en cours de négociation et applicables au 1er janvier 2020, date à laquelle coïncidera la fin du recrutement au statut. Sur la même période, la direction SNCF devra finaliser, avec les organisations syndicales, le projet social d’entreprise qui définira la future norme sociale au sein du Groupe public ferroviaire SNCF.
Les mouvements de contestation des cheminots par la grève sont les plus longs de l’histoire de la SNCF
Ils ont permis tout d’abord l’ouverture des négociations avec un gouvernement qui envisageait d’imposer cette réforme par voie d’ordonnances, sans la moindre forme de dialogue social avec les organisations syndicales. Ils ont donné ensuite la possibilité à la CFDT de faire de réelles propositions d’amélioration du texte, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Une grève marathon pour certains, ce mouvement de fond est en réalité une épreuve de triathlon dont la ligne d’arrivée est fixée au 31 décembre 2019. Les trois épreuves sont la loi, la négociation de la CCN et du pacte social d’entreprise. Pour la CFDT, nous avons franchi une première épreuve avec le vote de la loi et la lettre d’intention du patronat concernant la mise en place de la CCN qui devra aboutir au 1er janvier 2020. Nous devons maintenant trouver un souffle plus long qui permettra de tenir l’endurance nécessaire jusqu’à cette date fatidique.
Nous devons conserver notre capacité de mobilisation qui a démontré sa pertinence
Nous ne devons pas nous tromper de cible. Après trois mois de conflits, les cheminots n’ont pas à baisser les yeux, ils se sont battus vaillamment pour contrer et réduire les effets les plus négatifs d’une loi dont ils n’ont pas voulu. Devons-nous encore sanctionner nos concitoyens durant leurs congés durant la période des grands départs ? La CFDT n’y est pas favorable, elle accentuerait un fossé important entre une opinion et les cheminots. Cette défiance de l’opinion, reconnaissons-le, n’a pas joué en notre faveur. Nous n’avons pas réussi à nous faire entendre comme nous le souhaitions. Pire, elle nous est de moins en moins favorable, comme peut en attester l’épisode du BAC. Sans doute faudra-t-il envisager d’autres formes de mobilisations pour renouer avec une opinion dont l’absence de soutien nous a fait cruellement défaut. La CFDT est attachée au service public avec la continuité ferroviaire des territoires et la garantie de la nature publique du Groupe ferroviaire.
Après la consultation démocratique des adhérents, la CFDT ne s’associera pas au maintien de la grève par intermittence cet été au-delà du 28 juin
Elle appelle les cheminots à suspendre le mouvement et à conserver cette capacité de mobilisation pour les combats à venir durant la négociation de la CCN et du pacte d’entreprise en 2018-2019. Nous aurons besoin de chacun d’entre vous pour mener à bien ces combats légitimes. Nous ne voulons pas annihiler davantage nos forces et celles des cheminots dans des combats visant à remettre en cause une loi votée et alors qu’il n’y a plus rien à négocier dans la période immédiate. Dans une démocratie, lorsque la loi est adoptée et même si nous la contestions dans ses fondements, elle s’applique. Quant au combat syndical, il ne se justifie qu’en vue de la défense des droits des salariés. Mais quand les textes ont été adoptés et que les séquences de négociation s’achèvent, le combat n’est plus que politique et la CFDT se gardera bien d’abîmer la crédibilité du syndicalisme dans une lutte de cette nature.
La CFDT n’a pas souhaité l’ouverture à la concurrence, mais c’est un fait qui s’impose désormais
Fallait-il la nier ? S’y opposer frontalement ? Ou fallait-il chercher à réduire les effets les plus négatifs d’une loi dont nous n’avons pas voulu afin que cette dernière ne se fasse pas au détriment des aspects sociaux ? Par souci d’efficacité, dans l’intérêt des salariés, nous n’avons négligé aucune solution. Comme d’autres secteurs auparavant (télécommunications, énergie, transport aérien, etc.), nous voici confrontés à cet événement. Certains secteurs ont réussi ce virage, notamment celui des IEG (industries électriques et gazières), qui a maintenu un cadre social de haut niveau, malgré l’ouverture à la concurrence. C’est ce modèle social que nous devons aller chercher pour tous les cheminots afin que l’ouverture à la concurrence ne se fasse pas au détriment des aspects sociaux. C’est aussi dans cet esprit de responsabilité et de clairvoyance que la CFDT Cheminots a organisé en décembre 2017 un colloque sur le cadre social de l’ouverture à la concurrence avec toutes les parties prenantes (associations d’usagers, UTP, ARAFER, Régions de France, etc.). L’État, pourtant invité, fera figure de grand absent à ce colloque. Certains nous ont reproché cette initiative. Chacun pourra mesurer à quel point il était opportun et nécessaire de discuter en amont de ce sujet. Car ne nous y trompons pas, il est de notre responsabilité d’organisation syndicale de protéger les salariés de la SNCF dans cette transition et de nous assurer que la qualité du service public sera maintenue. Aujourd’hui, pour que la libéralisation du rail ne joue pas sur les conditions de travail, nous exigeons la négociation d’une convention collective qui protégera tous les travailleurs du secteur. Pour cela, nous devons créer un cadre social de haut niveau. La branche ferroviaire doit l’incarner.
Les revendications de la CFDT
Le relevé d’intention issu des négociations tripartites entre le gouvernement, l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) et les organisations syndicales répond déjà à plusieurs de nos demandes.
Concernant la loi
La CFDT n’a eu de cesse au cours des trois derniers mois de défendre le maximum de garanties sociales au travers de ses différentes contributions et de ses 79 amendements proposés aux différentes phases de la procédure parlementaire. Le gouvernement et le parlement n’ont pas voulu revenir sur les trois grands piliers de cette réforme que sont :
- La transformation juridique du statut de la SNCF d’établissement public à caractère industriel et commercial en société anonyme.
- L’arrêt des recrutements au statut le 1er janvier 2020.
- L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs.
Ce que l’action de la CFDT a permis
- la mise en place de la notion d’incessibilité des capitaux de SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités ;
- le transport ferroviaire de marchandises figurera dans les missions obligatoires du GPF, ce qui permet de protéger en partie l’activité de Fret SNCF au sein du Groupe ;
- le maintien de la SUGE au sein de la SNCF (et non pas sa filialisation et son externalisation) ;
- le maintien d’une unité sociale dans un périmètre ferroviaire unifié correspondant à l’actuel GPF et toutes les filiales qui viendraient à être créées à partir du GPF (et donc la continuité de tous les droits existants dans ce périmètre) ;
- l’intégration des allocations dans le calcul du niveau de rémunération en cas de transfert de personnel vers un autre opérateur ;
- la mise en place de clauses sociales dans les futurs appels d’offres ;
- la mise en place de la notion de volontariat dans le cadre des transferts ;
- le droit de retour avec une réintégration au statut pour les agents aujourd’hui au cadre permanent si le salarié retrouve un emploi dans le GPF entre la 3e et la 8e année suivant son transfert ;
- la garantie de l’emploi en cas de défaillance d’un repreneur : lorsqu’un salarié est transféré, il le sera toujours dans la branche ferroviaire, sous la même CCN et avec la garantie du maintien des droits et acquis dont il a bénéficié auparavant.
Entre autres
L’attitude spectatrice de la direction de la SNCF n’a que trop duré et il n’est plus admissible de l’entendre considérer que ce conflit n’est pas le sien. II est impératif qu’elle fasse son aggiornamento pour renouer le fil du dialogue social rompu par ce conflit historique. C’est à elle qu’incombe la responsabilité de résoudre une crise sociale aggravée par des postures extrêmement rigides excluant tout compromis. La CFDT invite la direction de la SNCF à rouvrir rapidement des perspectives d’avenir par des signaux positifs immédiats en direction de son personnel. Les heures de dimanche ou de nuit, la mise en place d’un véritable 13e mois, la sécurisation de l’emploi dans la branche et une nouvelle protection sociale renforcée sont autant d’éléments qui nous permettront d’acquérir de nouveaux droits pour tous les cheminots. Nous devons par ailleurs retourner aux fondamentaux de nos métiers desquels le dogme de la gestion par activités déployé par la SNCF depuis 15 ans nous a souvent trop éloignés. Cette transformation ne doit pas se faire uniquement dans une course sans fin derrière les gains de productivité, mais d’abord par une quête de sens partagé avec tous les cheminots. La CFDT demande que soient mis en place au préalable les états généraux de la production afin que le débat soit partagé par le plus grand nombre.
Aujourd’hui, nous suspendons provisoirement la mobilisation par la grève, mais notre combat se poursuit et se poursuivra avec intensité dans les mois à venir. La CFDT Cheminots sera plus que jamais l’organisation syndicale qui saura être à l’écoute des cheminots et les accompagnera dans les transformations pouvant les impacter. Vous pouvez faire confiance à la CFDT Cheminots.